vendredi 5 novembre 2010
"Les homos sont moins bien traités que les chiens"
"Au Cameroun, les personnes lesbiennes, gays ou bisexuelles sont moins bien traitées que les chiens", affirme Sébastien Mandeng, de l'Association pour la défense des droits des homosexuels. C'est ce que montre un rapport publié le 4 novembre par quatre organisations de défense des droits humains (Alternatives-Cameroun, l'Association pour la défense des droits des homosexuels, Human Rights Watch et la Commission internationale pour les droits des gays et lesbiennes).
Basé sur 45 entretiens de victimes, dont 16 femmes, il dénonce les arrestations sur la base de l'article 347 bis du Code pénal qui réprime l'homosexualité, les passages à tabac par la police, les exactions commises dans les prisons, ainsi qu'un climat homophobe général, en particulier au sein des familles.
Les lesbiennes, elles, sont moins souvent arrêtées que les gays. Leur calvaire se déroule essentiellement au sein des familles, où les femmes camerounaises sont étroitement surveillées, au point de voir leur liberté de circulation restreinte. Il suffit au Cameroun de ne pas s'habiller d'une manière "typiquement féminine" pour être montré du doigt. Les insultes sont alors courantes.
Sonia, 31 ans, en a fait l'expérience. "Le fait que je porte un short ou un pantalon me fait souvent passer pour une lesbienne aux yeux des gens. En plus, je joue au football, et au Cameroun, si tu joues au football, pour les gens, c’est que tu es lesbienne. Quand nous jouons, les hommes se rassemblent autour et nous insultent", raconte-t-elle. Etre lesbienne, cela veut dire "la mort dans mon quartier", ajoute-t-elle: "s’ils découvrent que tu es gay, ils te tuent. Ils se doutent que je le suis, mais ils ne peuvent pas le prouver parce que j’ai un fils".
Les femmes soupçonnées d'avoir des rapports sexuels avec des femmes peuvent être accusées de viol ou d'agression sexuelle au sein de leur communauté et risquent de perdre la garde de leurs enfants. C'est ce qui est arrivé à Laure, 34 ans. Sa famille lui a retiré ses trois enfants âgés de 9, 11 et 13 ans. "Je n’avais rien à dire parce que je suis lesbienne. Alors les enfants vivent maintenant avec leurs pères respectifs. Ce jour-là, mon amie et moi avons été jetées à la rue".
Quant à s'adresser à la police... "La police n’écouterait pas une lesbienne", résume Clarisse, 24 ans, victime d'une agression sexuelle. Pire: elle risquerait d'être arrêtée sur le fondement de l’article 347 bis. Dès lors, beaucoup se cachent, voire ont un petit ami comme "couverture".
C'est le cas d'Agnès, 32 ans, qui vit avec sa famille à Yaoundé. "Ce n’est pas que j’en aie envie, mais je suis obligée de coucher avec lui. Je dois montrer à ma famille que je suis avec un homme. C’est aussi pour ça que j’ai fait un enfant. Mon copain m’a déjà demandé à trois reprises si j’étais lesbienne. J’ai toujours nié". Marthe, 30 ans, a aussi un petit ami et une petite amie. "J’aimerais qu’il en soit autrement, j’aimerais pouvoir m’exprimer plus librement mais c’est impossible (...) Je suis avec mon copain depuis quatre ans et avec ma copine depuis deux ans et demi. Mon copain est une couverture (...) Je suis très croyante et dans mon église, ils pensent que c’est de la sorcellerie".
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