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dimanche 2 février 2014

Lost Girl, la série absolutely post-gay

Lost Girl Bo Lauren Doccubus
(Photo Shaw Media)

Dix ans après les débuts de The L Word à la télévision, c'est la série Lost Girl qui fait sa petite révolution LGBT, sans rien dire. Le coming-out, la discrimination liée à l'orientation sexuelle? C'est du passé. La petite série canadienne est totalement "post-gay", pour reprendre le concept développé par Frédéric Martel dans son essai "Global Gay".

Et c'est là, la vraie nouveauté: quand The L Word parlait de lesbiennes, quand on ne compte plus les personnages d'homo, bi, trans etc. dans les séries mainstream, de Grey's Anatomy à Glee ou Skins en passant par Hit & Miss, Lost Girl ne revendique rien.

Triangle amoureux


Lost Girl conte les aventures de Bo, envoûtante jeune femme au décolleté plongeant qui découvre son appartenance au monde secret des "Fae", une race dont les individus dotés de pouvoirs extraordinaires se nourrissent d'une façon ou d'une autre des humains: de leurs émotions, de leur corps ou, dans le cas de Bo, succube, de leur énergie sexuelle, au risque de les tuer.

L'héroïne vit mal cette hypersexualité avant d'apprendre qu'elle peut la contrôler et en jouir pleinement. L'affaire se complique lorsque Bo refuse de faire allégeance à l'un ou l'autre camp du monde des Fae, l'Ombre ou la Lumière, et qu'elle tombe amoureuse à la fois de la bioutifoul Dr Lauren Lewis, humaine, et de Dyson, le très dévoué homme-loup.

Lost Girl Car Wash - Bo
[Cliquez sur l'image pour lancer la VIDEO](Photo Shaw Media)

 

Pas d'étiquette ni de jugement moral


Bref: une nymphomane super bien roulée qui se tape tout ce qui bouge, un peu butch sur les bords avec sa tendance à sortir son épée ou son couteau dès qu'elle croise des méchants, tiraillée entre un hétéro et une lesbienne? Oui, mais non. Dans Lost Girl, on n'est pas jugé sur ce que l'on est mais sur ce que l'on fait.

Tout le monde se fiche que Bo aime les hommes, les femmes ou les deux -éventuellement en même temps-, que Lauren tombe amoureuse d'une femme -il faudra d'ailleurs attendre assez longtemps pour savoir si c'est l'effet Bo ou son orientation sexuelle-, ou que le méchant Vex aime se faire fouetter et porter les bustiers de Bo. "No label": pas d'étiquette.

Au fil des épisodes souvent drôles et sexy, on croisera des hétérotes tombées sous le charme de Bo, un veuf éploré qui supplie l'héroïne de retrouver le corps de son mari, des trahisons sur l'oreiller entre femmes, des amours interdites entre Faes de l'Ombre et de la Lumière... Seules comptent les relations, amoureuses, amicales ou familiales.


(Photo Shaw Media)

Le sexe est joyeux, triste, futile ou grave, tout dépend de l'intrigue de l'épisode ou de la saison, mais il fait partie de la vie, souligne la créatrice de la série, Michelle Lovretta. Anna Silk, qui incarne Bo, et Zoie Palmer, Lauren à l'écran, insistent sur leur volonté de traiter les amours de leurs personnages comme "une relation honnête, réelle et sincère" (Zoie Palmer au site AfterEllen), avec ses aléas.

Une pincée pour les hétéro(te)s, une pincée pour les lesbiennes...


Cette vision explique largement le succès de la série et surtout de Zoie Palmer auprès des lesbiennes, d'autant plus que les scénaristes jouent ouvertement avec les sentiments et fantasmes des fans du couple Bo-Lauren ("Doccubus") ou des autres couples lesbiens potentiels... Comme souvent dans les séries de fantasy, un genre plutôt fauché, l'imagination, l'humour et les références compensent le manque d'argent, et l'on s'attache un peu à tous les personnages (bon, surtout à Lauren, en ce qui me concerne!).

Quand on constate qu'Anna Silk (dans "Les Vies rêvées d'Erica Strange"), Zoie Palmer (dans "Seeking Simone") ou Kris Holden-Ried (Dyson -dans "Touch of Pink") ont tous déjà joué des rôles d'homo avant Lost Girl, on en vient à se demander si le Canada n'est pas le pays des Bisounours LGBT! Mais surtout, on se dit que ce pays, où les couples homosexuels peuvent se marier depuis 2005 (2003 en Ontario), préfigure peut-être un monde post-gay, en paix avec la vie sexuelle des autres.

D'ailleurs, les acteurs s'appliquent aussi la règle "no label" hors plateau: on ne trouvera pas de déclarations lourdingues du genre "Je joue une bi/homosexuelle mais en vrai je suis hétérote" mais il suffit de lire entre les lignes des interviews ou de Twitter pour se faire une idée de l'orientation sexuelle de chacun(e). Allez, on émigre au Canada?!

Pour aller plus loin avec Lost Girl


- Les saisons 1 à 3 de Lost Girl ont été récemment diffusées en France sur la chaîne Numéro 23. La 4e saison s'achève sur les écrans anglo-saxons, une 5e saison est en cours de tournage. Pour en savoir plus: la rubrique séries du site Univers-L.
- Pour les anglophones: les résumés décapants et illustrés des épisodes par Dorothy Snarker sur le site AfterEllen
- "Global Gay, comment la révolution gay change le monde", de Frédéric Martel, Editions Flammarion